Cher lycéen,

Depuis hier, tu es confronté au dernier rite de passage à l’âge adulte : le baccalauréat. A cette occasion, je te souhaite bonne chance. Tu en auras doublement besoin.

Lors de l’examen, tu auras d’abord intérêt à avoir un peu de vaine pour tomber, d’épreuve en épreuve, sur des sujets que tu maîtrises. Le petit jeu des impasses ciblées auquel nous avons tous joué à ta place comporte ses risques, mais en tant que lycéen et futur étudiant, tu as certainement appris à en prendre de la façon la plus habilement calculée.

Cette année, en plus de devoir espérer tomber sur les sujets que tu as révisé, tu devras également compter sur la chance pour accéder à ta formation universitaire préférée. Oui, tu as bien lu, ta future orientation ne dépendra pas de tes efforts et de ton niveau objectif, elle se jouera au tirage au sort. Le gouvernement sortant a jugé bon de confier ton avenir au hasard, laissant ta formation se décider sur  un coup de dé. Sagesse antique diront certains, le hasard ayant été utilisé chez les Grecs notamment pour désigner des responsables de la cité : on pensait y voir un signe divin.

Difficile de dire si l’Education nationale, dans son infinie sagesse égalitariste, a le même motif en tête. Il n’empêche, tu dois le savoir : si tu ambitionnes depuis l’enfance d’être éducateur sportif ou psychologue, tu seras peut-être (ou peut-être pas !) invité à devenir juriste ou paléontologue. De fort belles professions en somme, et si elles sont trop éloignées de ton projet professionnel, dis-toi que tu n’as « pas eu de bol », cette justification ayant récemment gagné ses lettres de noblesse.

Tu peux penser que tirer au sort la filière dans laquelle tu vas atterrir l’année prochaine à l’université est absurde et injuste. Tu as parfaitement raison. Mais c’est la seule réponse qu’on su apporter ceux qui nous dirigeaient. Eux aussi, vois-tu, sont dans une certaine mesure arrivés par hasard là où ils étaient …

Des solutions pragmatiques existent

Certains avancent celle de la sélection à l’université. Mais, en l’absence d’alternative pour les recalés, la sélection aurait pour effet de laisser bon nombre d’étudiants sans orientation et livrés à eux-mêmes. Notre système ne peut se contenter d’être un alambic distillant patiemment la quintessence d’une génération à travers une poignée de promotions de grandes écoles. Qui peut aujourd’hui affirmer que la France a intérêt à réduire le nombre de ses futurs diplômés à l’heure où 40% des jeunes non qualifiés sont au chômage et où l’intelligence artificielle accroît les besoins en compétences ?

D’autres soutiennent qu’il ne faut rien changer l’organisation du système universitaire. Difficile de les suivre, quand on sait qu’il produit 60% d’échec en première année de licence, du fait essentiellement d’une mauvaise orientation.

La Fondation Concorde propose un système évitant le couperet impitoyable de la sélection comme le tirage au sort stupide. Tout d’abord, l’accès aux filières universitaires n’y serait ni automatique ni purement sélectif, mais poserait clairement une liste de prérequis. Ces connaissances et compétences indispensables sans lesquelles l’échec est certain pourraient être acquises au prix, pour ceux qui en auraient besoin, d’une année de propédeutique intercalaire. Ainsi, si tu es futur titulaire d’un bac professionnel et que tu souhaites réellement t’orienter vers des études de droit, tu le pourrais et aurais une chance de réussite (aujourd’hui, ta probabilité de succès est de zéro tout rond). Du même coup, c’est évidemment toute l’orientation des lycéens qui devrait être rebâtie, en la confiant par exemple aux universités elles-mêmes, qui sont par définition mieux placées pour la réaliser.

Le palliatif au tirage au sort absurde est l'orientation

Ensuite, la logique en silos des formations serait remplacée par des parcours à la carte. Tu ne serais plus obligé de suivre un cursus imposé, mais libre de le composer, en piochant dans les enseignements de ton choix, pour te construire un profil unique correspondant à tes souhaits  personnels et aux compétences professionnelles que tu souhaites acquérir. Un système qui serait suffisamment flexible pour te permettre de t’adapter à la révolution numérique qui balaye l’existant et fait émerger de nouveaux métiers.

Dans ce système rénové, nous n’aurions pas besoin de te souhaiter bonne chance, mais bon courage. Tu serais le propre maître de ton destin, à condition d’être audacieux. En cette période de révision, il pourra être utile de te rappeler le proverbe latin : audaces fortuna juvat, la chance sourit aux audacieux !

 

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