FIGAROVOX/TRIBUNE – L’expérience du confinement doit nous encourager à favoriser le développement du télétravail, un modèle particulièrement adéquat au monde de demain, argumente le vice-président de la Fondation Concorde Jonas Haddad.

Par Jonas Haddad

Si vous lisez cette tribune, vous avez certainement passé votre journée à participer à des réunions téléphoniques ou à répondre à distance à des messages électroniques.

La crise du COVID-19 que nous traversons nous pousse à revoir plusieurs aspects de notre vie quotidienne, tant personnelle, familiale que professionnelle. Nous voyons apparaître une nouvelle fracture sociétale entre d’une part ceux qui peuvent prétendre au télétravail et l’exercent dans des conditions favorables (maison secondaire, pièce dédiée, connexion internet fiable, etc.) et d’autre part ceux qui ne peuvent y prétendre (métiers de main-d’œuvre et liés à l’industrie non concernés, cohabitation délicate, exclus du numérique, etc.).

La France est l’un des pays européens où le télétravail n’occupe pas encore une grande place dans les mœurs.

Avec les mesures de confinement qui sont mises en œuvre, le télétravail se trouve plus que jamais au centre de toutes les discussions. Chacun, chez soi ou dans sa famille, est confronté de près ou de loin à cette pratique du travail, apparue il y a quelques années et qui bien même avant l’épidémie se démocratisait à vitesse grand V. Néanmoins, la France est l’un des pays européens où le télétravail n’occupe pas encore une grande place dans les mœurs.

Selon les statistiques de la DARES, les cadres sont les plus concernés par cette pratique. En 2017, 11% d’entre eux s’octroyaient déjà au moins une journée de télétravail par semaine, contre 3% de l’ensemble des salariés. Cette tendance s’accroît fortement avec les mesures de confinement actuelles où chacun est encouragé à travailler depuis chez lui dès lors que cela lui est permis ; tant par le métier qu’il exerce que par les outils technologiques dont il dispose. Par le passé et aujourd’hui encore, il apparaît donc que nous sommes face à une France à deux vitesses: celle pour qui le télétravail est rendu faisable et est encouragé, et celle pour laquelle il n’est pas favorisé voire décrié, bien que certains individus n’ont peut-être pas d’autre choix que le télétravail pour vivre.

La productivité ne doit plus se mesurer au temps passé dans les locaux de l’entreprise.

En 2017, la Fondation Concorde se penchait déjà sur ce sujet du télétravail et préconisait des mesures tendant à l’encourager et à développer un cadre propice à son plein exercice. Le rapport s’intitulait «Accompagner la mise en place du télétravail». Des mesures telles que favoriser le développement d’espaces de coworking ou visant à faire évoluer le droit à la déconnexion étaient déjà préconisées à ce moment-là.

Aujourd’hui plus que jamais, il nous semble nécessaire d’organiser un basculement progressif d’une société où le présentéisme en entreprise règne encore dans les entreprises françaises vers une société où plus de libertés sont octroyées au salarié quant à la définition de son lieu de travail. Sa productivité ne doit pas se mesurer au temps passé dans les locaux de l’entreprise mais bel et bien à sa capacité à produire, dans les conditions qu’il aura choisies. Les fameux KPI présents en entreprise doivent donc s’adapter pour que le télétravail soit in fine bénéfique à tous: employeurs comme employés. Il nous paraît par ailleurs vital d’encourager le télétravail pour ceux qui le peuvent via notamment une mise à disposition massive d’outils numériques (ordinateurs portables, écrans…).

Dans le même temps, il devient plus que nécessaire de pouvoir améliorer les conditions de travail, notamment des personnels en première ligne dans la crise que nous traversons: soignants, caissières, policiers, agriculteurs… pour lesquels le télétravail n’est et ne sera jamais une solution. La France doit acter des mesures leur permettant, au-delà de la reconnaissance, sécurité et continuité de leurs activités.

À nous d’inventer le modèle de demain, où travailler de chez soi ne sera pas qu’un confinement.

Au sortir de la crise, après avoir éteint les feux brûlants des difficultés financières immédiates, nous devrons proposer des solutions adéquates, en lien avec les attentes sociales de ces travailleurs. Les héros de ces derniers jours devront se voir assurés d’un avenir plus radieux, incluant des conditions de travail plus conformes à leurs attentes. Plus qu’un progrès social, c’est un acte nécessaire face aux efforts qu’ils consentent chaque jour.

Aujourd’hui, nous devons être solidaires. À nous d’inventer le modèle de demain, où travailler de chez soi ne sera pas qu’un confinement.

Au Gouvernement de traduire en actes ce qu’a dit le président de la République lors de son allocution: «Nous aurons appris et je saurai en tirer avec vous toutes les conséquences.»

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