La tribune de Mi­chel Rous­seau et Jonas Had­dad – Fondation Concorde publiée dans l’Opinion le vendredi 12 février 2021.

Un autre enjeu ma­jeur du siècle, la dé­car­bo­na­tion, peut consti­tuer un avan­tage concur­ren­tiel dé­ci­sif de la France dans la mon­dia­li­sa­tion, tant son sa­voir-faire en ma­tière d’élec­tri­cité nu­cléaire est his­to­ri­que­ment im­por­tant.

Avant la crise de la Co­vid-19, la France ac­cu­sait déjà un fort re­tard in­dus­triel sur ces prin­ci­paux concur­rents, sa crois­sance res­tait faible et sa ba­lance com­mer­ciale était struc­tu­rel­le­ment dé­fi­ci­taire, signe d’une dés­in­dus­tria­li­sa­tion qui nuit à notre éco­no­mie. Cette dés­in­dus­tria­li­sa­tion dans les ter­ri­toires et la ré­gres­sion éco­no­mique et so­ciale qui en a suivi sont un des fac­teurs de la crise ter­rible des Gi­lets jaunes. Au­jour­d’hui, avec la crise sa­ni­taire, la déses­pé­rance d’un nombre crois­sant de nos conci­toyens peut abou­tir à des in­sta­bi­li­tés éco­no­miques, so­ciales et po­li­tiques aux ef­fets dé­sas­treux.

La crise sa­ni­taire a plei­ne­ment mo­bi­lisé les pou­voirs pu­blics par des me­sures tem­po­raires de pro­tec­tion des en­tre­prises (comme les PGE) et des tra­vailleurs (tel le chô­mage par­tiel). Mais il faut pré­pa­rer dès main­te­nant un grand plan pro­gramme de re­dres­se­ment basé sur les in­dus­tries, les en­tre­prises et l’in­no­va­tion, si l’on sou­haite une amé­lio­ra­tion du­rable. Il n’y a pas de fa­ta­lité à ce que la France et l’Eu­rope res­tent à la traîne de la crois­sance mon­diale. En­core faut-il qu’elles le choi­sissent et misent sur des in­no­va­tions comme la blo­ck­chain et la 5G, qui offrent de nom­breuses pers­pec­tives et dont les ca­pa­ci­tés dis­rup­tives n’en sont qu’à leur début. Bien uti­li­sées, ces deux tech­no­lo­gies ser­vi­ront la cause de notre sou­ve­rai­neté, de notre com­pé­ti­ti­vité in­dus­trielle et de l’ef­fi­cience de nos ad­mi­nis­tra­tions.

Une prio­rité in­dus­trielle

A l’échelle de l’Eu­rope, un ren­for­ce­ment du fi­nan­ce­ment des fonds d’ins­tances dé­diées à la Blo­ck­chain per­met­trait de com­bler l’écart de fi­nan­ce­ment exis­tant avec les Etats-Unis ou la Chine. Au même titre que d’autres tech­no­lo­gies, la blo­ck­chain pour­rait être ins­crite dans le por­te­feuille d’un Com­mis­saire eu­ro­péen, afin d’en faire une prio­rité in­dus­trielle et per­mettre à l’UE de par­ler d’une seule voix sur ce sujet. La créa­tion d’un « euro nu­mé­rique » per­met­trait à la fois de tirer plei­ne­ment parti de cette nou­velle tech­no­lo­gie tout en ren­for­çant la sou­ve­rai­neté éco­no­mique et la com­pé­ti­ti­vité in­dus­trielle de l’UE. Eta­blir un cadre ju­ri­dique et un ré­gime fis­cal plus stable et at­trac­tif pour faire fleu­rir les start-up blo­ck­chain sus­ci­te­rait une hausse des in­ves­tis­se­ments.

Un autre enjeu ma­jeur du siècle, la dé­car­bo­na­tion, peut consti­tuer un avan­tage concur­ren­tiel dé­ci­sif de la France dans la mon­dia­li­sa­tion, tant son sa­voir-faire en ma­tière d’élec­tri­cité nu­cléaire est his­to­ri­que­ment im­por­tant.

Les pers­pec­tives de crois­sance grâce à la 5G sont tout aussi pro­met­teuses. Les pou­voirs pu­blics pour­raient ainsi en­vi­sa­ger un plan de sou­tien aux dé­penses d’in­ves­tis­se­ment des opé­ra­teurs, à tra­vers des al­lo­ca­tions, des prêts ou des ra­bais d’im­pôts, ainsi qu’une at­tri­bu­tion ac­cé­lé­rée des fré­quences. Par ailleurs, une cer­ti­fi­ca­tion eu­ro­péenne uni­fiée des ré­seaux 5G pour en ga­ran­tir la sé­cu­rité est in­dis­pen­sable.

Un autre enjeu ma­jeur du siècle, la dé­car­bo­na­tion, peut consti­tuer un avan­tage concur­ren­tiel dé­ci­sif de la France dans la mon­dia­li­sa­tion, tant son sa­voir-faire en ma­tière d’élec­tri­cité nu­cléaire est his­to­ri­que­ment im­por­tant. En prio­rité, il fau­drait dé­car­bo­ner les trans­ports, qui re­pré­sentent 43 % des émis­sions de CO2 liées à la com­bus­tion d’éner­gie, et dé­car­bo­ner le chauf­fage des lo­caux qui re­pré­sentent 26 % des émis­sions ré­si­den­tiel et ter­tiaire. La ré­in­dus­tria­li­sa­tion offre une for­mi­dable op­por­tu­nité de créer des usines élec­triques pour conci­lier dé­ve­lop­pe­ment éco­no­mique et so­ciété du­rable.

Pour aller plus loin, l’ins­tau­ra­tion d’une taxe car­bone aux fron­tières eu­ro­péennes pour­rait être pro­po­sée à nos par­te­naires.

Le rôle de l’État

Pour œu­vrer au re­dres­se­ment, tous les ac­teurs du monde éco­no­mique se­ront par­ti­cu­liè­re­ment sous ten­sion, car notre pros­pé­rité col­lec­tive re­po­sera sur leur ca­pa­cité d’in­no­va­tion, de créa­tion, de pla­ni­fi­ca­tion in­dus­trielle et de ges­tion des nom­breux ta­lents hu­mains que notre pays re­cèle. Ils ne se­ront néan­moins pas les seuls : l’Etat doit leur four­nir un cadre fis­cal et un en­vi­ron­ne­ment légal plus fa­vo­rables à la crois­sance in­dus­trielle et à l’em­ploi. Les en­tre­prises fran­çaises ne pour­ront pas être au ren­dez-vous de la re­lance si, dans notre éco­no­mie mon­dia­li­sée, elles conti­nuent de subir les pré­lè­ve­ments les plus im­por­tants des pays de l’OCDE.

La France, qui s’est par­ti­cu­liè­re­ment en­det­tée pen­dant la crise sa­ni­taire, devra mo­bi­li­ser toute son éner­gie pour mener une ré­forme pro­fonde de l’Etat et de ses col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, tout en re­cons­trui­sant son sys­tème édu­ca­tif. Et mal­gré des dé­penses de santé plus im­por­tantes, le sous-équi­pe­ment par rap­port à nos voi­sins en ma­tière de masques, de tests de vac­cins ainsi que le sous-équi­pe­ment en lit de ré­ani­ma­tion, scan­ners, ap­pa­reils res­pi­ra­toires ou ro­bots de tests mé­di­caux, nous oblige à en­vi­sa­ger dès main­te­nant une nou­velle phase de mo­der­ni­sa­tion de notre sys­tème de santé. Dans tous ces do­maines, les in­no­va­tions nu­mé­riques contri­bue­ront si­gni­fi­ca­ti­ve­ment à ces chan­tiers vi­taux pour notre ave­nir.

Mi­chel Rous­seau et Jonas Had­dad, pré­sident et vice-pré­sident de la Fondation Concorde.