Ce mardi 14 mars 2017, la Fondation Concorde recevait Frédéric Dabi, Directeur-adjoint de l’IFOP pour faire un état des lieux de l’opinion à 40 jours du premier tour de l’élection présidentielle.

“Cette campagne est incroyable, l’inédit se mêle à l'impensable et au jamais vu”

 

En prélude de son intervention, F.Dabi n’a pas manqué de rappeler le caractère exceptionnel de cette campagne présidentielle. En effet, elle s’inscrit en rupture totale avec les canons traditionnels de ce scrutin observés c’est-à-dire les éléments classiques que l’on observe d’une élection présidentielle depuis 1965. F.Dabi nous a exposé les caractéristiques d’une élection présidentielle traditionnelle et celles de la campagne actuelle.

Tout d’abord, c’est une élection où s’opère une intense quadripartition de la vie politique, partagée entre le PS, LR, le FN et le mouvement En Marche.

 

On constate que la question habituellement centrale en temps de campagne du bilan de mandat est écartée du débat en raison d’un Président non-candidat et qu’aucun candidat ne souhaite endosser le bilan. Généralement, le candidat sortant fait face à des impétrants sauf exception de 1995 et 2007. Sans oublier, le mouvement de “dégagisme”– expression lancée par J.L Mélenchon (et qui pourrait finir par s’appliquer à lui-même) – qui s’abat ces derniers mois sur les grandes figures politiques telles qu’Alain Juppé, Cécile Duflot, Manuel Valls, Nicolas Sarkozy, etc.  

Alors qu’en mars, les choses sont d'ordinaire cristallisées- à titre d’exemple, en 2012 à cette même période, la défaite de N.Sarkozy était visible- l’incertitude règne encore quant à l’issue de cette campagne.

 

“37% des Français affirment qu’ils n’iront pas voter”

Ce chiffre ne signifie pas pour autant que le taux d’abstention sera de cet ordre, mais il est probable qu’il s’approche du taux record de 28% constaté en 2002 – en raison d’une forte hésitation et indécision.

 

In fine, habituellement une élection c’est un débat entre la gauche et la droite. Cependant, à J-40 du premier tour, F.Dabi attire notre attention sur les doutes et incertitudes. D’après lui, se profile un double 21 avril, marqué par la possible élimination des candidats représentants des partis ayant gouvernés sous la Vème République. De facto, dans cet océan d'incertitude émerge une confirmation et une révélation.

 

“La confirmation c’est Marine le Pen”

Aujourd’hui, Marine le Pen représente un pôle de stabilité. Elle paraît comme une candidate “ultra-sérieuse” à la qualification au second tour- ce n’est pas une surprise- c’est la simple traduction des scrutins précédents intermédiaires. Rappelons le FN est arrivé en tête aux élections européennes avec 25% et a obtenu 28,3% aux élections régionales. Quant à son électorat, il est le plus mobilisé et sûr de son vote d’alternative après deux quinquennats perçus comme ratés ou décevants. Ses électeurs expriment un récit de l’histoire de ces dix dernières années qui est frappant et le suivant: “Nous avons crus en N.Sarkozy et avons été déçus et F.Hollande n’a pas fait mieux voire pire”.

Une enquête peu sérieuse la donne gagnante au second tour de l’élection. Restons prudents, les sondages ne permettent pas de mesurer la dynamique électorale et le FN n’a pas gagné une élection uninominale à deux tours en duel depuis 1988 avec l’élection de la Députée Yann Piat… Mais les règles sont faites pour être bousculées.

“La révélation c’est Emmanuel Macron”

F.Dabi a insisté sur le fait que l’on n’a jamais vu dans l'histoire politique, un candidat à la présidentielle inconnu en politique deux ans et demi avant gagner le scrutin. En effet, lorsque E.macron est nommé en 2014 au Ministère de l'Economie- 70% des Français déclarent ne pas le connaître. Et, aujourd’hui, selon  les Français, il a de plus en plus de chance d’être présent au second tour et de le remporter.

Ce qui est le plus surprenant, c’est que l’axe “ni gauche-ni droite” proposé par E.Macron a échoué sous la Vème République, l’exemple le plus frappant étant F.Bayrou. Toujours est-il que toutes les conditions semblent réunies (le reflux de la bipolarisation, l’affadissement du clivage gauche-droite et la situation de faiblesse extraordinaire des candidats des partis de gouvernement) pour que l’axe central remporte cette élection.

Ces quinze derniers jours, les intentions de vote, la dynamique d’E.Macron a été réelle et exacerbée avec le ralliement de F.Bayrou et la présentation de son programme, des éléments qui crédibilisent sa candidature. Le pronostic de victoire à son égard est passé de 22 à 36%.

 

Cependant, son point de fragilité reste son positionnement central, on parle d’un:”candidat attrape-tout”: 50% de l'électorat de F.Hollande de 2012 voterait pour Macron et 20% de l’électorat de Sarkozyste- ainsi il y a une vraie volatilité. Et, un électeur macroniste sur 2 affirme qu’il peut encore changer d’avis.  Rien n’est encore écrit…

 

“François Fillon n’arrive pas à faire campagne”

Au soir du second tour de la primaire de la droite et du centre, F.Fillon était annoncé comme le gagnant probable de l’élection présidentielle. Mais, avant même l’apparition des affaires, on a pu apercevoir une décrue assez sensible à son égard en raison d’une campagne trop timide et de vives critiques sur son programme social.  Depuis le 2 février dernier, il n’est plus qualifié au second tour dans les sondages, et jamais un candidat n’a fait son retour sur les deux premiers. 19-20% est possible comme seuil de qualification pour le second tour, tel était le cas pour J.Chirac en 1995 et 2002 mais en comparaison avec les scrutins précédents, cela paraît bien faible.

Le fond des affaires a conduit à un parasitage de la campagne de F.Fillon, chaque semaine il doit la relancer, il paraît peu audible entre son programme d’économies et les efforts demandés aux Français et l’attente d’exemplarité Nonobstant, une fuite de l’électorat de N.Sarkozy de 2012 vers le FN (entre 15-20%), il dispose du socle de droite comme les personnes âgées, les professions libérales et les indépendants.

 

Il convient de noter que par son programme F.Fillon a permis de remettre au centre du débat les thématiques économiques et sociales. Quant à la question européenne, malgré un sentiment d’euroscepticisme restant très fort, elle est redevenue une préoccupation pour les Français.

 

A la question, François Fillon, peut-il rebondir ? F.Dabi dit ne pas avoir la réponse mais il rappelle la nécessité de rester prudent. La campagne n’a pas vraiment démarré, la frustration sur le terrain est terrible et les débats et hésitations ne font qu'accentuer le suspens.  Entre 35 et 37% peuvent encore changer d’avis.

 

“In fine, le 23 avril prochain, la surprise est encore possible”.